Karen Boustany
Au-delà de la faute
Préface de Paul-Loup Sulitzer
écrivain
dernier roman publié : Puits de Lumière (éditions du Rocher)
Le recueil de Karen Boustany est exemplaire : il révèle avec une sensibilité exacerbée les souffrances d’une femme dans un Liban adoré et meurtri. Le cœur de la poétesse saigne, la douleur est grande, mais le bonheur, celui qu’Arthur Rimbaud appelait «illumination », est plus grand encore :
Les soleils ont cherché la mort au plus profond
Des poèmes perdus. Un jour, tout petit,
Tu as rêvé de moi pour toujours.
Que reste-t-il au pays du Cèdre ? Il reste l’amour, en dépit du sang versé, il reste l’espoir, la détermination, et même l’idéal. Le Liban ne mourra jamais. De cela, Karen Boustany est certaine.
Malgré les trahisons, malgré les invasions, malgré les bombardements, la poétesse chante. Son chant d’amour illumine l’Orient. Son cœur est déchiré, mais sa voix reste intacte.
J’ai lu et relu Au-delà de la faute avec des larmes dans les yeux. L’amour, l’ardeur, la révolte sont présents à chaque page. L’être aimé, sur fond de drame, enfièvre la poésie.
Le recueil retrace dix-huit ans de vie et de passions.
On ne se lasse pas de relire ces poèmes, car ils sont tournés vers l’avenir d’un pays que chacun veut plus fort et plus beau.
Nos yeux ont appris à te construire
Tu es Terre sainte, Terre de l’avenir.
Ce premier recueil de Karen Boustany n’est pas l’œuvre d’une débutante, puisque l’auteur com¬pose des poèmes depuis l’adolescence, l’âge où l’on s’ouvre à la vie et où l’écriture poétique apparaît comme le moyen le plus sûr pour fuir le monde ou mieux l’appréhender. La poésie l’accompagne depuis toujours, alliée des bons et des mauvais moments, complice et confidente. Où qu’elle se trouve, à Beyrouth, en Afrique ou ailleurs, elle prend la plume, couche ses idées sur papier, confirmant ainsi la formidable propension des mots à transmuer nos sentiments en œuvre d’art. Dans un style simple mais percutant, avec une liberté absolue dans le ton comme dans la forme, Karen Boustany nous parle de la vie, de la mort, de l’amour, du couple, de Dieu, avec une sincérité proche de l’impudeur. On la sent à la fois sereine et tourmentée, résignée et révoltée, adulte et enfant, fragile et dure comme le diamant.
Karen Boustany est tellement femme dans ce qu’elle écrit que son recueil est, en quelque sorte, un bréviaire de la féminité – avec sa beauté, ses angois¬ses, ses contradictions, ses désirs et ses déceptions. N’est-ce pas là, précisément, la vocation du poète : révéler au lecteur la part la plus intime de soi ?
Alexandre NAJJAR